Un off gonflé à l’air du temps
Quatre bibendums en habit rose fluo, clowns énormes et hors norme, faits pour étonner les gens : la performance « réglée au millimètre » que propose Didier Théron, sous le titre simplissime de Air, à Pierrevives, le 29 juin, illumine la 8e édition de Mouvements sur la ville, qui débute mardi 21 juin au Gazette Café pour se terminer le 5 juillet dans les jardins de l’Ensad. Un festival certes off, mais pas dégonflé pour autant, qui, sans les moyens de l’officiel Montpellier Danse, et pour un budget lilliputien de 13000 € - soutien de la région, de la mairie et, pour la première fois, du conseil général - veut s’ancrer dans le territoire urbain. Avec la conviction, pour l’essentiel des intermittents, de transformer la précarité d’un statut en forces vives d’un laboratoire de recherche.
Entre Japon, Australie et Kenya
Et ils sont vraiment culottés, dans le genre audacieux, pour mutualiser les efforts, jouer dans le spectacle alternatif et, surtout, exister autrement. « Aujourd’hui, dans les quartiers, la danse c’est nous », résume Didier Théron, partageant la conviction d’un vivre la danse ensemble avec ses deux partenaires, Yann Lheureux et Hélène Cathala, de l’association pour le festival. Et ce n’est pas qu’un slogan : rarement Mouvements sur la ville a autant fourmillé de propositions en danse, performances et spectacles de rue gratuits sur toute la ligne. En tout, vingt-quatre compagnies invitées, parmi lesquelles des artistes connus comme le Marseillais Jean-Antoine Bigot d’Ex Nihilo et Myriam Gourfink, installée en Ile-de-France. Ou d’autres qui le sont moins mais reconfigurent, avec leur implantation dans l’Hérault ou à Toulouse, les axes en devenir de la grande région.
Pas non plus petits arrangements entre amis, cette 8e édition. La preuve : comme les grands, Mouvements sur la ville a fait appel à projet et ne s’est pas privé des contacts noués lors des résidences à l’étranger. Théron, dont la pièce Harakiri a reçu un prix en Australie en 2010 et s’est vu invité à l’Elysée le 26 avril dernier lors de la visite du Premier ministre Malcolm Turnbull, est un familier du festival de Setouchi au Japon. D’où la venue de la Japonaise Moto Takahashi, des Hongrois Jozsef Trefeli & Gabor Varga, rencontrés sur place, outre l’idée d’un plateau jeunes pros dédié à la Link Dance company implantée à Mount Lawley en Australie. Yann Lheureux, de son côté, a fait la passerelle pour la compagnie kenyane Wayo, mais aussi pour l’étonnante Kirsten Debrock, issue de conservatoire royal de la Haye, à la carrière internationale. Hélène Cathala défendant les couleurs de l’Irelande avec la compagnie Iseli-Chiodi & Martin Mele, aux croisements entre danse et arts plastiques. Pas étonnant après cela que les chorégraphes du cru - créations notamment de Michèle Murray, des Gens du Quai ou de Lili & Ken en hommage à Bagouet et Trisha Brown - se sentent pousser des ailes. En salle ou à l’air libre, Mouvements sur la ville est, cette année, gonflé à l’air du temps.
Lise Ott